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A mon réveil
1 avril 2019

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A mon réveil, la terre trembla d’émotion, d’ardents éclairs déchirèrent le ciel et les océans se soulevèrent de manière unanime pour venir clapoter gaiement contre le rebord de la fenêtre, tandis que le soleil tournoyait d’un horizon à l’autre comme un feu de Bengale en folie et que Vénus, pas encore couchée, frétillait du cul à mon intention en descendant nonchalamment le plan de l’écliptique.

Puis, on gratta à la porte, tout doucement, avec humilité.

– Entrez ! ordonnai-je.

Alors se présentèrent, par ordre alphabétique, toutes les bêtes de la Création, qui venaient se prosterner sur ma descente de lit et me saluer par quelques paroles d’adoration. Emportée par son enthousiasme, l’agouti me mordilla les doigts de pieds et la lionne a dents de sabre voulut même me lécher les parties à travers le pyjama.

Jusque-là, tout allait bien.

Quand les derniers animaux se furent retirés en bavant d’amour et de ferveur, je demeurai un long moment à me gratter le ventre, à bâiller, à me racler la gorge, etc., avant de me risquer à prononcer, d’une voix qui se voulait ferme et résolue :

– Ma chérie… si tu me faisais un petit café ?

– Va chier.

Comme ça, du tac au tac. Sans même se donner la peine d’ouvrir les yeux ou de sortir la tête de sous les draps.

Remarquez, je m’y attendais. C’était tous les matins pareil. Et chaque fois j’encaissai le coup, enfilai mes charentaises en soupirant et m’en allai pisser, triste et solitaire, dans la pénombre indifférente des waters, à contempler les galaxies qui se formaient dans la cuvette avant de s’annihiler mutuellement, non sans avoir dardé des chapelets de geysers blonds, furieux mais impuissants, à l’assaut des parois glacées de la réalité, car chaque fois, oui, chaque fois, moi, le Démiurge, j’encaissai le coup sans rien dire.

Et cette fois-là ne fit pas exception.

Chienne de vie.

 

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